D’après une étude menée par l’organisme américain Standish Group, cabinet international indépendant de conseil en recherche informatique, seul un tiers des projets atteindrait ses objectifs de coûts, de délai et de fonctionnalités. Pour les projets n’atteignant pas leurs objectifs de délai, le taux de dépassement moyen avoisine les 80%. Dominique Causse et Mikaël Carduner, consultants Experts pour Blue Soft Consulting – Daylight, nous en disent plus sur les facteurs impactant et les points d’attention. Ceci dans le but de maîtriser ses délais pour une gestion de projet réussie.

Maîtriser ses délais pour une gestion de projet réussie : les 3 erreurs à ne pas commettre pour réussir son projet

On relève trois causes pouvant impacter significativement les délais d’un projet.

  • Au niveau de l’organisation et de l’environnement dans lequel un projet ou un programme évolue

Les facteurs de la maîtrise des délais s’appuient principalement sur la culture managériale. En particulier sur la culture de gestion de projet dont vont découler les politiques, les méthodologies et les niveaux de maturité attendus en termes de gestion de projets de l’ensemble de l’organisation.

  • Au niveau du sponsorship des projets

Celui-ci est cité « comme l’une des premières causes d’échec ou de réussite des projets par le Standish Group. Néanmoins, ce rôle est encore trop rarement bien compris ou communiqué dans les organisations » souligne Mikaël Carduner, consultant Expert.

  • Au niveau opérationnel de projet

A ce niveau, les facteurs clés de réussite ou d’échec concernent les conditions d’exécution de l’initiative du projet, des pratiques mises en œuvre ou des compétences mobilisées.

L’organisation des équipes, points clés afin de maîtriser ses délais pour une gestion de projet réussie

L’organisation des équipes est souvent l’un des facteurs que l’on ne regarde que trop peu dans le détail lorsque l’on démarre un projet. Cela a pourtant un impact lourd sur la performance de l’équipe. Les points d’attention à prendre en compte :

  • La taille de l’équipe

Plusieurs études ont été menées sur le sujet afin de dimensionner l’équipe de façon optimale. En moyenne, une équipe performante doit comprendre entre 5 et 6 personnes

  • Les « T-shaped team »

Traditionnellement, une équipe est organisée en silo. C’est-à-dire organisée par typologie de métiers (concepteurs, développeurs, testeurs). Ce mode de fonctionnement va mécaniquement allonger les délais. Une équipe en difficulté va faire attendre les autres équipes. Ceci peut avoir un impact lourd sur le déroulement global du projet. Pour éviter ce type de dérive, une première possibilité est de construire une équipe unique intégrant les différents métiers. Ensuite, on peut favoriser le travail en mode collaboratif. C’est l’approche retenue par les démarches agiles telles que le Scrum.

Il est aussi possible de favoriser des T-shaped skills ou « Compétences en T ». Il faut être à la fois généraliste mais également expert sur un ou plusieurs domaines spécifiques.

La compétence spécifique va apporter une valeur ajoutée et une expertise propre à un domaine. Les compétences généralistes ou transverses vont, quant à elles, permettre de pouvoir communiquer et collaborer avec les autres équipes plus facilement. Ces compétences transverses permettent également de renforcer les équipes qui en ont besoin, plutôt que de rester cantonné dans sa spécialité. Par exemple des développeurs qui viennent aider l’équipe de test lors des phases de recettes. Les goulots d’étranglement, et donc les délais, peuvent être largement atténués par ce type d’organisation.

  • Une organisation d’équipe à l’échelle

Par mise à l’échelle, on fait référence aux initiatives nécessitant de coordonner plusieurs équipes pour réaliser un produit unique. Dans ce cas des questions similaires peuvent se poser, et différentes pratiques peuvent y répondre. « Il ne suffit pas de rajouter des équipes en parallèle. Il faut structurer les équipes afin que la performance globale ne soit pas freinée par l’une des composantes ou des défauts de communication » explique Dominique Causse, consultant Expert chez Blue Soft Consulting.

Pour calibrer la taille de l’équipe, deux méthodes peuvent être prises en considération. Le « nombre de Dunbar » définit le nombre maximum de personnes dans une équipe pour assurer une bonne communication. Cette technique est notamment utilisée par certains cadres à l’échelle comme SAFE.

On retrouve également la « Loi de Conway » qui explique que le système ou le produit conçu par l’organisation va refléter la structure de communication au sein cette organisation. La structuration des équipes en place, leur spécialisation et le mode de communication interéquipe va impacter largement le produit final. Il faut donc réfléchir à l’organisation des équipes en amont du projet pour assurer sa réussite.

Chaîne critique, gestion des ressources et  dépendances de son projet

Cette méthode de planification inventée par le consultant et physicien E. M. Goldratt, créateur de la théorie des contraintes, a permis à de nombreuses industries de gagner en fluidité et en productivité. Goldratt a appliqué cette théorie sur la partie planification, à travers ce qu’il appelle la chaîne critique en partant du constat suivant : « l’échec dans l’atteinte de l’objectif de délai est dû à la gestion inefficace de l’incertitude, notamment pour les ressources et l’affectation des ressources sur les différentes activités d’un projet » développe Mikaël Carduner. Les causes clés :

  1. Le multitâche, lorsque vous êtes actif sur plusieurs projets en simultané, ce qui peut engendrer une perte d’efficacité allant jusqu’à 40%
  2. La loi de Parkinson, lorsque vous avez défini une marge par rapport à une échéance que vous devez remplir, vous avez tendance à occuper la marge jusqu’à l’atteindre
  3. Le syndrome de l’étudiant, lorsque vous avez une échéance, comme un examen pour les étudiants, vous vous y prendrez, pour la majorité, toujours la veille

Partant de ce constat et de sa théorie des contraintes, Goldratt a imaginé un certain nombre de principes :

  • Identifier la contrainte dans la logique de réalisation du planning. Cela comprend les ressources qui contraignent ou pénalisent le planning quand elles ne sont pas utilisées de manière optimale (notamment le multitâche) et lorsqu’elles ne sont pas focalisées sur la chaîne critique.
  • Lorsque l’on a identifié cette contrainte de système, sa logique et ses ressources, il est nécessaire de focaliser l’utilisation de ces ressources sur cette chaîne critique. Cela évite le multitâche et fait en sorte que les personnes affectées à une mission soient exclusivement utilisées sur cette mission.
  • Pour éviter la loi de Parkinson ou le syndrome de l’étudiant, il est nécessaire de maîtriser les variations dues à ces deux phénomènes en mutualisant les marges. D’une part, on va réduire les marges sur chacune des activités pour que les marges de manœuvre ne soient pas consommées par ces syndromes. D’autre part, on va les combiner, les réduire et les mettre à la fin du projet en ayant un contrôle continu sur ces marges.

Selon un certain nombre d’études recensées, on peut obtenir environ 40% de gains sur les délais grâce à cette méthodologie. C’est le cas pour « Embraer », constructeur aéronautique brésilien, pour sa conception d’avion. Élu meilleur projet de l’année 2019, Embraer a gagné près de 2 ans sur son planning.

Le suivi et le contrôle à maintenir sur la chaîne critique

Pour un respect des délais optimal, il faut contrôler l’avancement du projet sur cette chaîne critique, qui reste une logique de planning. On définit pour cela des marges de manœuvre au-delà desquelles il va falloir être vigilant. On surveille notamment la consommation du « buffer » (ou ressources tampons) constitué des marges de manœuvre cumulées sur l’ensemble de la chaîne critique. En cas de dépassement du seuil d’alerte, il faudra mettre en place des plans d’action pour revenir dans la zone de maîtrise. L’intérêt est ici de pouvoir piloter globalement les dérives éventuelles bien plus efficacement qu’avec un suivi unitaire par tâche.

La gestion des risques et des incertitudes

Chaque projet ou programme est sujet à des risques et des incertitudes car le projet se projette dans le futur. Or l’environnement et le futur sont incertains. La gestion des risques permet donc d’anticiper et de réduire la probabilité ou les conséquences des risques.

Malheureusement, ce point est bien trop souvent négligé. Mal comprise, la revue des risques est souvent faite avec peu de conviction, voire pas du tout menée.

Si l’on souhaite renforcer l’analyse de risque, on peut quantifier les analyses de risque, leurs impacts et leurs incertitudes avec une relative précision – notamment avec des outils statistiques basés sur la méthode de simulation de Monte-Carlo – afin d’avoir une vision plus réaliste de l’impact des risques sur les projets. Ces techniques permettent notamment d’étudier des milliers de scénarios sur les projets contre un seul avec les méthodes traditionnelles.

« Il ne suffit pas de rajouter des équipes en parallèle. Il faut structurer les équipes afin que la performance globale ne soit pas freinée par l’une des composantes ou des défauts de communication » explique Dominique Causse, consultant Expert chez Daylight – Blue soft Consulting.

« L’échec dans l’atteinte de l’objectif de délai est dû à la gestion inefficace de l’incertitude, notamment pour les ressources et l’affectation des ressources sur les différentes activités d’un projet » développe Mikaël Carduner.

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